Bilan de la Conférence Nationale LGMD 2019 : Le Premier Jour
Nous avons eu la chance de pouvoir participer à la première conférence nationale sur les dystrophies musculaires des ceintures qui a eu lieu du 30 août au 2 septembre 2019 à Chicago aux États-Unis. C’était la toute première conférence médico-scientifique entièrement dédiée aux myopathies des ceintures. Aussi, cette conférence a été intégralement organisée par des patients atteints de différents types de LGMD sous l’impulsion de la Speak Foundation, créé par Kathryn Bryant.
La conférence a eu lieu dans le plus grand hôtel de Chicago, le Hyatt Regency. Il était facile de s’y perdre. L’enregistrement pour la conférence a commencé vendredi après-midi. Ensuite nous avons été à la réception de bienvenue où nous avons pu échanger avec les organisateurs et d’autres membres de la communauté LGMD. Chaque patient a reçu un t-shirt au slogan « Be The Hope – Believe There Is Hope For A Cure » (« Soyez l’espoir – Croyez qu’il y a de l’espoir pour un traitement »).
Le Premier Jour : Samedi, 31 août 2019
Quelle belle surprise de voir une grande salle de conférence remplie entièrement avec des patients atteints de LGMD ! Plus de 400 personnes de 20 pays différents sont venues à Chicago ! La journée a débuté a 10 h du matin et a duré jusqu’a 21 h avec une pause avant le diner de banquet où Pat Furlong, fondatrice de l’association Parent Projet Muscular Dystrophy, a prononcé un discours.
Kathryn Bryant, directrice nationale de la Speak Foundation, atteinte d’une LGMD R9 (ex LGMD 2i) a officiellement ouvert la conférence à 10 h. Ensuite, la journée a commencé avec une session plénière sur la vue d’ensemble des dystrophies musculaires des ceintures.
Vue d’ensemble des LGMD – Dr Matt Wicklund
Les symptômes, la génétique, l’hérédité et l’incidence ont été présentés par le Dr Matt Wicklund de l’Université de Colorado. Le Dr Wicklund a parlé de la nouvelle classification des LGMD et les raisons de ce nouveau système mis en place par l’ENMC (en lisez plus ici). Il est indispensable de trouver un diagnostique exact pour mieux informer le patient sur les spécificités de son sous-type. Si par exemple vous avez fait un test génétique il y a cinq ans sans trouver votre type de LGMD, votre chance de le trouver maintenant s’est nettement améliorée car le panel des gènes testés s’élève à plus de 120 à l’heure actuelle ! Il faut aussi penser aux maladies rares auto-immunes qui ressemblent aux myopathies des ceintures : la myosite HMCGRAb+ et la myopathie anti-SRP. Un diagnostique précis est indispensable pour pouvoir participer à un essai clinique et pour pouvoir bénéficier d’un possible futur traitement.
GRASP LGMD Consortium – Dr Nicholas Johnson
Dans sa présentation, le Dr Nicholas Johnson de l’Université Virginia Commonwealth a expliqué le rôle du consortium GRASP LGMD dont il est le leader.
Les buts de ce réseau de recherche international, fondé par la MDA (Muscular Dystrophy Association) :
- améliorer le diagnostique
- développer des outils pour mesurer l’efficacité dans des essais cliniques
- comprendre l’impact de la maladie sur la vie quotidienne (reporté par des patients)
- former des futurs médecins-chercheurs LGMD
Il y a plusieurs centres participants aux États-Unis ainsi qu’un au Royaume Uni.
Suivi respiratoire des Myopathies des Ceintures
Après une petite pause de 15 min nous avons écouté les présentations du Dr Brad Williams en collaboration avec l’association Breathe with MD et du Dr Matt Wicklund sur le suivi respiratoire des LGMD. La respiration a pour but d’oxygéner le corps et de se débarrasser du dioxyde de carbone. Prèsque tous les types de dystrophies des ceintures présentent tôt ou tard une atteinte respiratoire, sauf la LGMD R1 liée à la calpaïne (ex LGMD 2A), la LGMD R2 liée à la dysferline (ex LGMD 2B) et la LGMD R12 liée à l’anoctamin (ex LGMD 2L). Des cas très rares avec une atteinte respiratoire associée aux trois types cités ci-dessus existent pourtant. Il est important de noter qu’une atteinte respiratoire n’est pas forcément liée à la progression de la maladie. Par exemple, un patient avec une LGMD R9 liée au FKRP (ex LGMD2i) peut être ambulant et avoir une atteinte respiratoire importante.
A retenir
La LGMD n’affecte pas directement les poumons, seulement les muscles respiratoires (parfois aussi les muscles bulbaires) ! Vos poumons ne sont pas malades, sauf si vous avez une autre maladie qui n’est pas en lien avec la LGMD. Le Dr Wicklund recommande de trouver un pneumologue connaissant les myopathies des ceintures (ou toute forme de dystrophie musculaire). Souvent, les centres de référence peuvent vous orienter vers un pneumologue spécialisé.
Une exploration fonctionnelle respiratoire est recommandée une à deux fois par an. Les examens doivent inclure
- la capacité vitale forcée (FVC) : mesure la quantité d’air que l’on peut expirer par la bouche assis et allongé
- la pression inspiratoire maximale (MIP) : mesure la quantité d’air que l’on peut inspirer avec force
- la pression expiratoire maximale (MEP) : mesure la quantité d’air que l’on peut expirer avec force
- le débit expiratoire de pointe (peak cough flow ): mesure la vitesse d’air qui sort lors d’une toux
- le taux d’oxygène (SpO2)
- le taux de dioxyde de carbone (CO2)
Les symptômes qu’on peut ressentir
Essoufflement, agitation quand on essaie de dormir, réveils nocturnes fréquents, se sentir fatigué après avoir dormi toute la nuit, se réveiller avec des maux de tête qui disparaissent peu après, avoir des problèmes pour se réveiller, infections respiratoires récurrents, fatigue intense durant la journée (s’endormir pour quelques secondes), avoir une toux faible (ne pouvoir se débarrasser du mucus).
Traitement
Afin de maintenir au mieux l’état respiratoire des patients concernés, il existe plusieurs machines, ayant chacune une fonction différente. Et voici deux exemples.
- La plus connue sans doute, étant la VNI ou ventilation non invasive. Son utilisation peut être nocturne et/ou journalière. IMPORTANT : Contrairement aux patients atteints de maladies pulmonaires obstructives qui utilisent généralement des machines dites CPap, les patients atteints de dystrophies musculaires des ceintures devront être orientés vers l’utilisation de machine de type BiPap (à partir d’une FVC ≤ 50%). Pour eux les machines CPap étant contre indiquées.
- Le deuxième appareil dont un patient LGMD peut tirer grand bénéfice est le CoughAssist. Comme sont nom anglais l’indique il « aide à la toux ». Son utilisation quotidienne est notamment indiquée à partir d’un débit expiratoire inférieur à 270 litres par minute. Les atouts de cette machine sont nombreux, surtout lorsque l’on considère l’efficacité très limitée d’un traitement de kinésithérapie respiratoire traditionnelle chez les patients LGMD. Parmi ses atouts, le CoughAssist permet en cas d’encombrement d’expulser le mucus (et pas seulement dans le cas d’une infection respiratoire) et de garder la paroi thoracique flexible.
Attention : Donner de l’oxygène sans assistance respiratoire à un myopathe est dangereux
Dr Williams, Dr Wicklund et les autres experts ont été unanimes sur le fait que la supplementation en oxygène est considéré comme dangereux pour les patients LGMD. Il est indispensable d’utiliser une machine respiratoire en même temps pour bien expirer le dioxyde de carbone (CO2) et surveiller le taux de CO2 dans le sang à l’aide d’un capnographe. Mesurer seul le taux d’oxygène (en omettant le taux de CO2) peut avoir de graves conséquences, pouvant aller jusqu’à la mort.
Comprendre le paradigme du développement de médicaments – Raymond Huml
Après la pause déjeuner la journée a continué avec une présentation de Raymond Huml du centre d’excellence Biosimilars de l’IQVIA sur le paradigme de developper des traitements. Le processus de développement est long comme on vous explique dans cet article sur la thérapie génique dans les myopathies des ceintures.
La phase pré-clinique
Tout commence avec l’apport d’une preuve de principe qui confirme le bénéfice du traitement chez l’animal. Ensuite des études de toxicologie doivent être faites afin d’établir la dose efficace et sûre pour les patients. C’est une information requise par les autorités de santé.
Etablir le procédé de production du traitement
Etape obligatoire pour la fabrication des lots de traitement qui seront utilisés lors des essais cliniques.
Demande d’essais cliniques auprès des autorités
A l’issue des deux étapes précédentes les données générées pour démontrer la sécurité et la performance du traitement seront suffisantes pour soumettre un dossier de demande d’essais cliniques auprès de la FDA (U.S. Food & Drug Administration) et de l’EMA (l’Agence Européenne du Médicament).
Les études d’histoire naturelle
Avant de commencer un essai clinique, des paramètres d’évaluation de l’efficacité de traitement doivent être définis. L’étude d’histoire naturelle permet une meilleure compréhension de l’évolution de nos pathologies ainsi qu’une meilleure connaissance des troubles des fonctions physiologiques qui surviennent chez les patients. Cette étape supplémentaire est indispensable pour les cliniciens qui doivent définir les bons critères d’évaluation pour l’essai clinique. Ce travail fait l’objet du projet GRASP LGMD (voir ci-dessus).
L’importance et l’objectif des registres de patients – Sarah Emmons
Sarah Emmons de la Jain Foundation (fondation pour les dystrophies musculaires des ceintures liée au dysférline : LGMD 2B / Myopathie de Miyoshi) nous a ensuite présenté rapidement la nature de son travail au sein de la Jain Foundation, avant de poursuivre sur l’utilité de leur registre de patients international. Depuis la création du registre en 2011, plusieurs entreprises pharmaceutiques ont demandé l’accès aux données pour accélérer la recherche. Être inscrit dans un registre de patients après avoir reçu un diagnostique génétique précis est indispensable pour soutenir les chercheurs. Aussi, les différents registres de patients envoient régulièrement des informations scientifiques aux inscrits. Grâce aux registres il est possible d’identifier des patients qui pourrait faire partie d’une étude clinique. Vous trouverez une liste complète des registres internationaux de patients ici.
Études d’histoire naturelle et critères d’efficacité des LGMD – Dr Volker Straub
Le Dr Volker Straub de l’Université de Newcastle (Royaume-Uni) a continué avec une présentation sur l’importance majeure des études d’histoire naturelle dans les myopathies des ceintures. Meredith James, kinésithérapeute experte, a expliqué les différentes méthodes de tests de la fonction musculaire. La méthode la plus fiable pour mesurer la progression de la maladie est à l’heure actuelle l’IRM. Des images IRM peuvent capturer au plus près la perte subtile de force musculaire décrite par les patients. Des études récentes du Dr Straub et son équipe ont démontré que ce processus n’est pas mesurable par le testing musculaire manuel fait par les kinésithérapeutes, même très expérimentés. Les images IRM peuvent être un bon moyen pour tester l’efficacité d’un traitement dans un essai clinique.
Session Questions/Réponses – Ask the Experts
Au cours du weekend, deux panels de Questions/Réponses « Ask the Experts » ont été organisés. Le principe était simple, chaque participant avait la possibilité de poser une question par écrit, grace à deux cartons distribués en début de conférence.
Au cours de la première session de réponses le samedi, un grand nombre de questions a naturellement été posé. Parmi elles, en voici quelques une :
Puis-je faire du sport ?
J’ai une LGMD2A. Seront mes enfants atteints par la maladie ?
Le régime « kéto », est-il utile pour moi ?
Quelle sera mon espérance de vie ?
Puis-je participer à un essai de thérapie génique si je suis résistant au virus vecteur ?
Quand est-ce que la méthode CRISPR sera utilisable pour les LGMD ?
La thérapie des cellules souches, est-elle efficace ?
Salle d’exposition
Ensuite nous avons fait un tour de la salle d’exposition. Il y avait des stands de plusieurs associations de patients, comme par exemple Coalition to Coalition to Cure Calpain 3, GFB Onlus et Speak Foundation. L’équipe de la LGMD Awareness Foundation était également présent. Sarepta, AskBio et quelques autres biotechs ont informé sur leurs programmes de recherche.
Le dîner de banquet
Le soir a eu lieu le dîner de réception. Kathryn Bryant a expliqué le role de son association The Speak Foundation, une association qui unit et soutient des patients ayant une maladie neuromusculaire avec plusieurs programmes et événements. Ensuite Pat Furlong a évoqué certaines des leçons tirées au sein de la communauté Duchenne pour le plaidoyer des dystrophies des ceintures.
Carol Abraham, fondatrice du LGMD Awareness Day, et Kathryn Bryant ont ensuite honoré Pat Furlong avec un Lifetime Achivement Award dans la catégorie Muscular Dystrophy Advocacy et Dr Jerry Mendell dans la catégorie Muscular Dystrophy Research.
Bilan – Une première journée remplie d’informations
Le premier jour de la National LGMD Conference 2019 a été long et rempli de présentations très intéressantes. N’oubliez pas de lire l’article sur le deuxième jour de la conférence LGMD 2019. Restez connectés et n’oubliez pas de vous abonner au blog de votre Groupe d’Intérêt LGMD Myopathies des Ceintures !
Mélanie B.
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